Une courte nuit… une sensation vaporeuse flotte dans l’air, empreinte d’hier et d’aujourd’hui… La lumière filtre à travers le store, une lumière qui laisse présager d’un beau soleil en ce milieu d’automne humide. Une fois ouvert, le volet laisse place au Mont Blanc qui s’élève fièrement, grandiose, majestueux, puissant, et que mes yeux redécouvrent avec toujours la même magie. Le sentier du Nid d’Aigle se distingue un peu plus bas, un manteau blanc recouvre l’aiguille du Goûter. Le dôme du Goûter et l’arrête des bosses dessinent le chemin vers le plus haut sommet d’Europe et me rappellent un souvenir inoubliable qui aura laissé son empreinte dans tout mon être.
Le contempler en ce début de matinée ensoleillée ne me lasse pas et me donne plus encore des envies de montagne, des envies de découvrir chaque recoin de ce massif et de ses alentours.
Je me tire de mes rêveries, partagée entre l’envie de marcher et l’appel irrépressible de la montagne, et celle de restée blottie sous mes draps à savourer le paysage.
Je ne dois pas trop tarder, car un bonnet d’âne ouaté recouvre le sommet du Mont Blanc et laisse présager d’une fin d’après-midi pluvieuse. C’est décidé, je vais marcher. Ni une ni deux, j’enfile des baskets, prépare un petit sac à dos et direction les hauteurs de Passy, à Plaine Joux, pour aller voir le Mont Blanc tout en ayant un aperçu de la chaîne des Fiz qui surgit au-dessus du plateau de Passy.
La route s’élève face au massif au milieu d’un intense mélange de couleurs d’automne qui pare les arbres de jaune, d’orange et de rouge flamboyants. L’automne est magnifique en montagne, et révèle la beauté et la variété des arbres qui la peuplent : hêtres, chênes, bouleaux, sapins, mélèzes, épicéas…
J’arrive tout en haut de Plaine Joux, aux abords d’un chalet restaurant fermé en cette saison. Il règne une ambiance paisible et particulière, l’air est frais, un doux film blanc voile le ciel.
Je parcoure les quelques mètres qui me séparent du Lac Vert sur un sol des plus automnal et recouvert de centaines de feuilles orangées. Je découvre un écrin de verdure, posé là, dont l’eau vert foncé, calme et lisse, reflète tout le décor. Bordé de sapins, surplombé par l’univers minéral de la chaîne des Fiz, et face au Mont Blanc dont on distingue le sommet, le Lac Vert est un petit paradis. Des familles se promènent dans cet endroit calme et ressourçant, parcourent les abords du lac, traversent des petits ponts de bois.
Après cette agréable découverte, je cherche la direction des chalets d’Ayères, pour monter au lac de Pormenaz. Les chemins sont humides et boueux, et s’élèvent lentement pour permettre d’apprécier la nature qui nous entoure et tous les détails de l’automne : les arbres aux couleurs flamboyantes, l’herbe rase dont le vert de l’été a laissé place à l’ocre, la luminosité basse et douce, les senteurs humides de la forêt, les feuilles recouvrant le sol… Au loin, les sommets enneigés de l’Aiguille Verte, de l’Aiguille du Midi et du Mont Blanc sont enracinés dans le paysage.
Le contraste entre ce décor automnal au 1er plan et ces hautes montagnes est saisissant, se laissant contempler à chaque pas.
Passé la forêt, la chaîne des Fiz nous entoure, surplombée secrètement par le Désert de Platé. On aperçoit le « Dérochoir », qui a probablement créé le Lac Vert suite à un éboulement au 18è siècle. La douceur du paysage forestier laisse maintenant place à un univers de montagne, vallonné, et minéral, avec cette énorme barre rocheuse face à soi. Comme à chaque fois qu’on s’enfonce un peu plus dans la montagne, il n’y a plus de bruit. Ici, on a l’impression d’être au milieu d’un endroit lointain, isolé, hors du temps. Le paysage est de toute beauté et unique en cette saison magique d’automne.
On aperçoit au loin une cascade qui s’écoule, et qui indique que le lac est par là-haut. Un chemin la longe en s’élevant franchement. Un petit passage les pieds dans l’eau pour traverser le ruisseau du Souay permet de l’aborder. Plus on s’élève par ce chemin raide, plus on peut admirer le paysage. Prendre de la hauteur permet toujours de mieux apprécier ce qui nous entoure.
D’en haut, on peut mieux apprécier cette plaine aux herbes rases, parsemée d’éboulis, ces sapins verts et jaunes, ce cours d’eau qui sillonne, et ce panorama vaste et lointain qui s’étend au-delà de son imagination… Un instant suspendu dans ce décor pour savourer cette magie tant recherchée que seule la Nature sait offrir.
Les nuages commencent à s’épaissir et me tirent de ma rêverie. J’accélère le pas et arrive enfin au lac de Pormenaz, planté dans un décor de nature morte à 1945m d’altitude. Tout autour, des herbes jaunes, façon paille, caractérisent ce lac automnal et contrastent avec la couleur profonde de ses eaux.
Je profite d’une pause déjeuner pour m’imprégner de l’instant. Que c’est bon d’être en montagne face à cette nature brûlée, façonnée par le temps et la vie des reliefs. Que c’est bon de croiser d’autres randonneurs, eux aussi conscients de cette beauté. Que c’est bon de sentir cette connexion entre soi-même, les autres et ce qui nous entoure. La nature a un effet bénéfique, sur le bien être personnel et sur l’interaction entre les personnes : tout le monde est plus ouvert, se parle, et respire le bonheur.
Et comme à chaque fois en montagne, un conseil comme tombé du ciel arrive à point nommé. J’allais rentrer par un autre sentier faisant une large boucle en contrebas des Fiz, quand un randonneur me conseille un autre chemin. Je décide de changer d’avis.
Celui-ci descend fortement en empruntant des échelles et raccourcit nettement le trajet, me permettant ainsi de ne pas passer 2 heures sous la pluie et dans le brouillard qui se formait plus haut. Il rejoint plus bas le torrent du Souay, traversé à l’aller, et ma randonnée se termine façon trail afin d’aérer mes poumons et mes muscles, et de rentrer vite au chaud.
Arrivée à bon port, je rentre comme à mon habitude saoûle de nature, l’esprit et le corps aérés, empreints d’un bien-être profond.
Encore une fois, la montagne témoigne de son pouvoir d’apporter force et sérénité à qui le demande, c’est une sensation si puissante et intense qui fait du bien.
Merci pour ces instants de bonheur.
“La gratitude peut transformer votre routine en jours de fête” William Arthur Ward